Lettre ouverte aux députés de la Montérégie

Le président du CMCC s'adresse aux élus par l'entremise d'une lettre d'opinion.

Le président du CMCC s’adresse aux élus par l’entremise d’une lettre d’opinion.

Mesdames les Députées, Messieurs les Députés,

Depuis 38 ans, le Conseil montérégien de la culture et des communications (CMCC) informe et conseille les acteurs clés du développement régional en matière de culture et de communications. En vertu de sa mission, le CMCC s’engage envers ses membres à défendre les intérêts supérieurs de la culture, à faire reconnaître la pratique artistique professionnelle et l’importance de la culture dans le développement régional. C’est dans cet esprit que je vous interpelle aujourd’hui, et ce, peu importe votre allégeance politique.

Par le passé, je me suis adressé à vous au sujet de l’iniquité régionale des dépenses publiques en culture par habitant dont souffre la Montérégie; une situation qui perdure. En ces temps d’austérité, j’attire aujourd’hui votre attention sur les effets collatéraux des divers remaniements régionaux sur la vitalité du secteur artistique et culturel. Sans doute, à titre de représentant de votre communauté, êtes-vous déjà au fait de la situation dans votre circonscription, toutefois je me permets d’insister en dressant un portrait de la situation régionale.

Porté par la volonté d’assainir les finances publiques, le gouvernement a mis en branle de grands changements en matière de gouvernance régionale avec l’abolition des conférences régionales des élus (CRÉ) et le transfert de leurs responsabilités aux 14 MRC et à l’agglomération qui forment notre vaste et populeux territoire.

Également, l’abolition des forums jeunesse, la réorganisation des services de développement économique, le resserrement des mandats d’organismes de services et autres remaniements de structures dessinent à grands traits une approche différente du développement régional. Le grand défi de tout changement d’envergure réside, sans aucun doute, dans l’appropriation d’une vision nouvelle qui, une fois intégrée et partagée par tous, pourra insuffler l’avancement souhaité par la communauté. Alors, des actions adaptées aux nouvelles conditions prendront le relais des actions passées. Néanmoins, la période transitoire inévitable a d’énormes répercussions sur le milieu culturel.

L’abolition des principaux partenaires du développement entraîne des pertes importantes, notamment dans le cadre des ententes régionalisées en culture avec le ministère de la Culture et des Communications (MCC) et celles avec le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). En additionnant les ententes qui étaient signées et qui ont été résiliées, celles qui étaient fin prêtes à être signées, mais qui n’ont pu l’être, et celles en élaboration, on accuse, pour l’année 2014-2015, une perte de 486 000 $ pour l’ensemble de la Montérégie. Puisque ces ententes s’étendaient sur un horizon de trois ans, soit jusqu’en 2017, ce sont 1 675 000 $ qui ont, en fait, disparus et avec eux, les programmes qui permettaient une distribution territoriale équitable des fonds publics.

Or, ces investissements, encadrés par des programmes issus de la concertation, représentaient de véritables leviers pour le milieu artistique et culturel professionnel. Ces enveloppes permettaient aux promoteurs culturels non seulement de boucler leurs budgets, mais également de convaincre d’autres partenaires d’investir à leur tour dans leurs projets.

Bien que le MCC de même que le CALQ maintiennent leur volonté de conclure des ententes régionalisées, le CMCC s’inquiète de la capacité des MRC à développer des programmes régionaux concertés qui favoriseront l’équité en matière d’accès et de développement culturel pour l’ensemble des habitants, tant ceux des milieux urbains que ruraux. Les inévitables délais entraînés par la réorganisation de la gouvernance régionale freinent déjà la continuité de projets porteurs et pénalisent le milieu.

Par ailleurs, à l’échelle nationale, si on se réjouit du maintien des programmes dédiés au soutien du cœur créatif du Québec, il est important de se rappeler que peu d’artistes et d’organismes ont accès au soutien de l’État, qu’il soit récurrent ou ponctuel. Faut-il également rappeler que les ministères et sociétés d’État, quant à eux, ont des efforts à produire pour diminuer leurs frais de fonctionnement? Ce qui inclut le resserrement drastique dans l’attribution de commandites et de placements publicitaires, dont plusieurs médias communautaires, événements et organismes culturels subissent les contrecoups.

De plus, les services culturels de proximité souffrent de la révision à la baisse des budgets municipaux. L’effort budgétaire demandé aux municipalités se traduit, en partie, par une diminution de contrats pour les artistes-travailleurs autonomes. Le développement culturel des localités est également mis en péril. Déjà, en Montérégie, trois MRC ont choisi d’abolir ou de suspendre les postes d’agents de développement culturel. Une situation des plus préoccupantes quand l’on considère les efforts déployés au cours des dernières années et leurs impacts positifs sur la vitalité des municipalités culturellement engagées.

Les alliés naturels des arts et de la culture sont également touchés par la réorganisation des structures et autres compressions budgétaires. Le milieu de l’éducation, pour ne nommer que celui-là, en est un bon exemple. À la diminution de la capacité d’action des écoles et des commissions scolaires s’ajoute une préoccupante rumeur de boycottage des sorties scolaires dès l’automne. On imagine facilement le désastre qui s’annonce pour de nombreux artistes et organismes culturels, musées, centres d’expositions, producteurs et diffuseurs dont l’offre s’adresse directement à la clientèle scolaire.

Pour sa part, le CMCC a vu son budget amputé de 15 %, et se voit contraint de limiter ses actions.

L’accompagnement des créateurs et des organismes est priorisé, mais d’importantes démarches structurantes et mobilisatrices seront inévitablement retardées, dont, entre autres, la mise en œuvre du plan d’action visant la citoyenneté culturelle des jeunes. Également, les démarches en vue de développer des relations constructives entre le milieu culturel et celui des affaires – des partenariats à développer, à améliorer et à maintenir, qui ont un impact direct sur la diversification des revenus des artistes et des organismes culturels – connaîtront un ralentissement considérable.

Ces nombreux constats démontrent bien que la pression collatérale exercée sur les artistes et les organismes culturels montérégiens a atteint un stade critique. Les effets combinés des restrictions budgétaires et de la réorganisation de la gouvernance régionale, s’ils devaient s’accentuer, auraient des conséquences dévastatrices et, dans bien des cas, irrécupérables.

Aussi, il est primordial, dans la poursuite des objectifs fixés par le gouvernement, de considérer la part globale que le milieu culturel régional assume dans le redressement des finances publiques du Québec. L’intégration de la culture à la nouvelle vision du développement régional qui sera désormais la responsabilité des MRC est également d’une importance capitale pour la vitalité des arts et de la culture en région.

Le CMCC espère compter sur votre appui afin que, tous ensemble, nous puissions minimiser l’impact de la période transitoire que connaît la gouvernance régionale, sur le milieu culturel. Je demeure disponible pour échanger et partager nos réflexions sur le sujet.

Vous remerciant de votre attention, je vous prie d’agréer, Mesdames les Députées, Messieurs les Députés, mes salutations distinguées.

Sylvain Massé Président, CMCC