Négociations avec les médecins: de la poudre aux yeux?

Louis Beaulieu / Collaboration spéciale

Le gouvernement Couillard vient d’accomplir un tour de force le 24 septembre en renégociant l’étalement des hausses de salaires des deux fédérations de médecins. Le défi était grand: convaincre la population que chacun doit faire sa part dans la compression des dépenses de l’état. Le coup médiatique est fort, mais il faudra faire attention de bien observer les décisions à venir, avant de croire qu’on ne s’est pas fait jouer un p’tit tour de passe-passe politique.

Louis Beaulieu est détenteur d'un BAC en Sciences Politiques & Associé chez Mediaweb.ca

Louis Beaulieu est détenteur d’un BAC en Sciences Politiques & Associé chez Mediaweb.ca © Gracieuseté

Tout d’abord, il faut constater que les médecins n’ont pas coupés dans leurs salaires. Ils ont accepté de remettre à plus tard leurs hausses. Et au total, on parlera tout de même d’une hausse de 67% des salaires depuis 2008, dont une partie seulement sera différée sur 8 ans. On reconnaîtra donc que peu de domaines auront obtenus autant en si peu de temps dans cette période de stagnation économique mondiale. Allez présenter ça aux fonctionnaires municipaux; les oreilles vont vous ciller.

Coupures dans la santé: qui en profite?

Quand on dit qu’il faut observer le p’tit tour de passe-passe politique, on doit s’intéresser aux compressions futures du ministre Barrette dans le système de santé. Les médecins ne sont pas fous. En coupant dans les services publics de santé, il n’y aura pas pour autant moins de gens malades au Québec. Leurs fédérations savent très bien que si l’état coupe dans la Santé, le privé prendra la place peu à peu. Quel sera le résultat à moyen terme? Plus de cliniques externes, des opérations refilées tranquillement au privé et donc, des revenus supplémentaires à ajouter à la hausse différée. Bref, nous avons devant les yeux une situation perd-gagne pour les médecins omnipraticiens et spécialistes. C’est comme si M. Barrette disait à ses amis médecins: “Soyez patient pour le miel, la ruche s’en vient”.

Étrangement, alors que nous entendons nos politiciens parler de coupures, nous n’entendons plus parler de nouveaux revenus. Pourquoi? Parce que beaucoup d’économistes actuels proviennent des mêmes écoles, des mêmes milieux et qu’ils répondent aux pressions imposées par les banques et par les grands joueurs internationaux. Il faut avouer, pour les défendre, qu’il est beaucoup plus facile d’agir sur le budget comme un comptable le ferait, plutôt que d’agir comme un entrepreneur ou un bâtisseur. La réduction de la dette, rappelons-nous en, n’est pas un projet social. Un visionnaire ne s’assoira jamais devant le spectre de la dette. Il en tiendra compte mais il poursuivra ses objectifs. Et il se battra bec et ongles afin d’atteindre un résultat. Il faut croire qu’actuellement au Québec, nous sommes en pénurie de ces gens-là.